Jeanne Faivre d’Arcier nous livre ici un roman policier dont la noirceur en viendrait presque à faire oublier la blondeur des sables du Cap Ferret où l’intrigue se déroule. Qui est donc vraiment cette Cendre, une jeune aveugle qui fait tourner la tête de Matthieu ? Matthieu est peintre et se laisse convaincre par Cendre de lui servir d’yeux, d’où le titre du roman. Cet élan charnel, soudain et brûlant, qui propulse Matthieu dans les bras de Cendre lui fera-t-il oublier Gaby, sa maîtresse, toujours prompte à recueillir et à soigner les éclopés à plumes et à poils ? La mante aura-t-elle raison de l’amante ?
Quand surgit le premier cadavre, Matthieu se retrouve bien malgré lui témoin privilégié d’une affaire glauque et sordide dont il serait bien difficile de résumer la trame, tant l’écheveau de l’histoire est enchevêtré et parsemé de nœuds introuvables dans la panoplie du parfait marin.
A la lecture de ce polar, on se demande si le Cap Ferret n’est vraiment peuplé que de soiffards névrosés et dépravés. Cette ambiance perverse voulue par l’auteur ne laissera aucun lecteur indifférent : c’est un roman qu’on aimera ou qu’on détestera. L’écriture est vive, percutante et souvent crue. On peut avoir le sentiment d’avoir entre les mains un San Antonio qui se serait égaré chez Mary Higgins Clark non sans avoir consommé une dose de James Ellroy (et quelques liqueurs fortes). Le style alerte donne le sentiment d’un roman écrit vite, parfois trop vite peut-être : Moulleau s’écrit avec 2 « l », Gujan-Mestras compte 7 ports et non pas 3, et une dame-jeanne n’a rien à voir avec une dame de nage. Mais, comme le disait Beaumarchais, « La critique est aisée, mais l’art est difficile », et ce roman présente de réelles qualités litéraires.
« Les yeux de Cendre » enchantera les amateurs de romans noirs qui ne sont pas rebutés par des personnages largement dépourvus de sens moral, mais pourra choquer les lecteurs qui ne supportent pas de voir les eaux limpides du Bassin rougies par un sang criminel.
|